Imider/Maroc : les arrestations du 3 mars 2014; raisons, circonstances et développements
Les vagues d’arrestations se sont succédés dans les rangs des militants du mouvement «
sur la voie de 96 » depuis octobre 2011 (arrestation de Mustapha
Ouchtobane),
parallèlement a la continuité des protestations pacifiques des
habitants de la commune d’Imider, atteignant 975 jours et marquant le
plus long Sit-in dans l’histoire du Maroc. Cette durée a connu
plusieurs étapes et plusieurs évènements qui ont intéressé l’opinion
publique lors de plusieurs occasions. Peut-être que le prétendu accord,
fabriqué par le conseil communal _illégitime d’ailleurs_ avec des
gérants du groupe
Managem et la bénédiction des
autorités locales, est l’un des plus marquants évènements. Cet
évènement durant lequel ces dites parties ont essayé de contourner le
dossier «
Imider », induire l’opinion publique en erreur et briser l’élan militant du mouvement.
En effet, le groupe
Managem a fait campagne dans
les médias pour cet accord illégal depuis fin 2012, et s’est approprié
quelques petits placebo-projets qui étaient déjà programmés dans le
cadre de l’Initiative Nationale pour le Développement Humaine (
INDH)
2010-2015, et a continué à faire pression sur le conseil communal afin
de reprendre l’exploitation de l’eau à partir des vannes de «
Tidsa » car Selon le dernier article de « l’accord », ce dernier est considéré résilié au cas où la société minière
SMI ne reprend pas l’exploitation des eaux et sables…
Aujourd’hui, alors que plus d’un an et demi sont passés après cet
accord illusoire sur lequel les responsables (gouvernementaux et ceux
de
Managem) se sont basés pour dire que le dossier
Imider
est résolu, la population continue à militer pacifiquement et en paie
l’impôt (insouciance, menace, répression, détention arbitraire dont les
fils
d’Imider ont écopé un cumul de plus de 30 ans de
prison depuis 2011 à présent) et ce toujours dans le cadre de
l’approche sécuritaire adoptée par les autorités avec la complicité des
responsables du holding royale.
Les arrestations de mars 2014 ont coïncidé également avec la visite de l’ambassadeur Allemand
Mechel Walter à la commune
d’Imider, pour inaugurer un projet agricole dont l’ambassade a participé au financement au
douar Anounizm. Et puisque la route secondaire qui lie ce douar aux 3 douars qui se trouvent au bord de la route nationale
N° 10, les habitants l’ont souvent utilisé pour rejoindre le Sit-in au mont
Albban. Sachant que les autorités mettent en sorte de censurer les protestations devant les visiteurs, marocains ou étrangers, le
caïd de
Toudgha
a ordonné une intervention violente sur cette route secondaire, menant
à l’arrestation de 2 militants et au sabotage de leur voiture. Le gaz
du
lacrymogène a été utilisé lors de cette
intervention. Ensuite, les autorités ont placé les douars de la commune
sous embargo, afin d’enlever les traces de l’intervention et des
protestations avant le passage de l’ambassadeur.
Les détenus du 3 mars 2014 :
Omar Moujane :
Né à douar Anounizm
en 1989, où il a suivi ses études primaires. Il a eu un niveau
baccalauréat en sciences physiques à la ville de Tinghir en 2009, et a
décroché un diplôme en électricité industrielle à Er-rachidia en 2012.
Après le déclenchement des protestations à Imider, l’été de 2011,
Omar Moujane a été choisi avec d’autres militants dans le comité de
dialogue, pour représenter les habitants dans la défense de leurs
revendications. Il a participé à toutes les séances de dialogue (16
séances), et aux rencontres avec les responsables de
Managem, autorités locales et autres parties concernées.
12 août 2011, il a été violemment attaqué à
l’arme blanche, avec d’autres militants, dans une tentative d’assassinat
par une bande criminelle chapeautée par le premier vice-président du
conseil communal.
25 août 2011 : suite à l’exploitation aléatoire des eaux de
Tidsa
par la société minière depuis 2004, et illégalement depuis 2009, la
population a été poussée à empêcher la société de continuer
l’exploitation de la nappe phréatique le 23 mars 2011, après avoir
correspondu avec les parties concernées qui ont demeuré sans action. Le
25 mars, la société a porté plainte à l’encontre de la commission de
dialogue, dont
Omar Moujane fait partie, représentée par
Farid Hamdaoui,
DRH de la société, pour avoir causé des dommages à la société minière
d’Imider.
16 décembre 2011 : après la protestation de la population contre l’occupation illégale du sous-traitant
Sivamine d’une terre appartenant à la commune, une autre plainte a été déposée par
Farid Hamdaoui, pour perturbation de l’activité de la société minière.
Brahim EL Hamdaoui :
Militant du mouvement «
sur la voie de 96 », il est né à douar
Anounizm en 1989 où il a suivi son éducation primaire. Il a suivi ses études collégiales à
douar Imider, et a eu un baccalauréat en Technologie en 2008 à la ville de
Ouarzazate. En 2011, il a eu un diplôme de technicien spécialisé en électricité mécanique et systèmes automatisés à la ville
d’Agadir
2012 : Brahim Hamdaoui, avec un autre militant, ont été attaqués à la ville de
Boumaln, par la même bande criminelle qui attaqué les autre militants le 12 août 2011
20 septembre 2011 : il a été arrêté arbitrairement avec quatre autres militants au bord de la route nationale
N°10. Ils ont été ensuite détenus dans le centre de la gendarmerie
d’Imider, et relâchés après une grande manifestation des milliers d’habitants.
4 juin 2013 : alors qu’il conduisait sur la
route secondaire, il a été arrêté par le chef du poste de gendarmerie,
qui a utilisé sa voiture personnelle pour le bloquer. Il a été relâché
suite à une grande manifestation, après s’être vu infliger une amende
de
2500 dh pour des prétextes inexistants.
Abdessamad Madri
Né à
douar Ait Brahim en 1993, où il a suivi ses études primaires et collégiales. En 2014, il est élève au lycée
Salah eddine El Ayoubi à
Tinghir, en 2ème année sciences expérimentales, année de son arrestation.
14 août 2013 : un groupe de personnes, ayant
des intérêts communs avec la société minière, ont porté une plainte
mensongère à l’encontre de plusieurs militant, dont
Abdessamad Madri.
Ils ont été accusés à tort de constituer une bande criminelle, coups
et blessures à l’arme blanche, incitation à rassemblement illégal au
mont
Albban, sabotage de biens d’autrui. Comme à leur habitude, les autorités locales ont gardé leur neutralité négative.
Circonstances de l’arrestation :
Samedi 1 mars 2014, vers 14h, des éléments de la gendarmerie royale
en tenue civile ont arrêté la voiture qui transportait les 3 militants
et leurs mères. Les gendarmes ont utilisé deux voitures personnelles
pour les arrêter sur la route secondaire, alors qu’ils venaient de
douar
Anounizm dans la direction du mont
Albban. Sans alerte préalable, les gendarmes ont commencé à tabasser les militants et les injurier.
Dès son arrivée sur place, le
caïd de
Toudgha
a cassé les vitres de la voiture, tiré inhumainement les militants,
les sortant par la fenêtre. Les militants ont été blessés partout à
cause des éclats de verres. Après les avoir sorti de la voiture, les
gendarmes ont combiné coups de mains, de bottes, tabassant les
militants devant le regard de leurs mères. La violence n’a pas épargné
les mères qui ont été frappées et injuriées, et menacées par un
gendarme qui a sorti son arme. Une d’elles a perdu conscience. La sœur
d’un des militants a eu une fracture au niveau du bras. Les témoignages
de ces femmes sont accessibles sous ce lien :
2 militants ont été ensuite embarqués dans la voiture des gendarmes, un autre dans la voiture du
caïd, les visages couverts de sang, et ont été menés directement au centre de gendarmerie à
Tinghir.
Après la propagation de l’information de détention des 3 militants, la population d’imider s’est rassemblée au pied du mont
Albban.
Des dizaines de militants ont rejoint (la nuit, pour la première fois)
leurs familles qui étaient en Sit-in depuis août 2011.
Imider/Maroc : les arrestations du 3 mars 2014; raisons, circonstances et développements
Il faut noter que la police judiciaire a empêché les familles de voir
leur fils détenus dans le centre de gendarmerie. La PJ a même renié la
détention dans un premier temps.
Des procès sur quelles bases ?
Un procès-verbal falsifié a été rédigé par la police judiciaire au
centre de gendarmerie de Tinghir. Les accusations fabriquées sont :
Constitution d’une bande criminelle
Assaut sur la mine
d’imider
Vol de mine d’argent et commercialisation
Rassemblement sans autorisation
Perturbation de la voie publique
Perturbation de projets de développement dans la région
Incitation à l’abandon scolaire
Coups et blessure prémédités
Non-exécution d’ordre de patrouille de gendarmes
Après avoir passé 13 heures en détention préventive, ils ont été
présentés dimanche matin 2 mars 2014 devant la vice-procureur du roi au
tribunal de Ouarzazate,
Sanaa Dihi,
qui a soulevé le dossier au président du tribunal. La séance de
première instance est entamée le 3 mars et a été reportée plusieurs
fois. Le 24 mars dernier,
Omar Moujane et
Brahim Hamdaoui ont été condamné à 6 mois de prison ferme.
Abdessamad Madri a été condamné à 1
an de prison ferme. Ces condamnations correspondent aux accusations de
perturbation de la liberté de travail, participation à l’organisation
de manifestation non autorisée, sabotage d’un bien d’utilité publique,
désobéissance par plus d’une personne, en plus de l’accusation
d’Abdessamad Madri de coups et blessures prémédités avec une arme blanche.
La séance de la chambre criminelle a été reportée 5 mars ensuite au 10 avril 2014 puis au 24 avril !
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